Oriflamme : complots sur toute la ligne
C’est l’un des phénomènes ludiques du dernier Festival International des Jeux de Cannes, où il remporte l’As d’Or du jeu de l’année : « Oriflamme », édité par Studio H, est un jeu malin et nerveux, mais pas spécialement renversant.
Voilà une belle opération pour la toute nouvelle filiale d’Hachette Boardgames – Studio H, dirigée par Hicham Ayoub Bedran (fondateur et ex-président de Matagot) – qui depuis l’acquisition de Gigamic début 2019 et de Blackrock en fin d’année confirme sa position de nouvel acteur incontournable dans le monde du jeu de société.
Les joueurs familiers de « Citadelles », « Love Letter » ou autres « Complots » (voire « De Cape et d’Epée ») ne seront pas dépaysés, même si le gameplay est singulier. Dans « Oriflamme », en pleine ambiance médiévale à la « Game of Thrones », les joueurs incarnent de grandes familles visant à acquérir un maximum d’influence. En 6 tours, chacun devra tenter de placer 6 de ses cartes (sur 10 au total par famille, identiques, dont 3 défaussées aléatoirement en début de partie et 1 qui ne sera pas jouée) en optimisant à la fois leur positionnement et le timing de leur révélation. En effet, après une phase de placement sur une même ligne horizontale, face cachée, il est possible de laisser les cartes en l’état – et d’y accumuler des points d’influence – ou de les révéler, permettant à la fois d’en activer le pouvoir et de récupérer les éventuels points d’influence déjà acquis lors de tours précédents.
Tout le sel du jeu, on l’aura compris, repose sur cette phase de révélation et les possibles conséquences en chaîne qu’elle provoque, avec un dilemme permanent : vais-je utiliser le pouvoir maintenant, ou plus tard ? « Oriflamme » est tout autant un jeu de prise de risque que de bluff. Les pouvoirs des cartes, s’ils restent très classiques dans leur genre (L’Assassin, L’Embuscade, L’Archer…), sont suffisamment simples pour être intégrés rapidement. Mais c’est surtout l’équilibre entre programmation et chaos qui rend le gameplay si tendu… et frustrant pour les joueurs friands de davantage de contrôle. Car il s’agit avant tout un jeu opportuniste, tant les interactions sont permanentes et difficilement anticipables.
Au final, nous ne sommes pas convaincus, malgré sa rejouabilité et son intérêt évidents, qu’ « Oriflamme » trouve une place de long terme dans une ludothèque. On s’interroge également sur la pertinence d’avoir attribué l’As d’Or à un jeu aussi peu novateur, et d’un fun tout relatif, d’autant plus si on le compare aux vainqueurs de ces dernières années tels que Concept, The Mind, Dixit, Azul ou Unlock (sans compter qu’il s’agit d’un jeu pour minimum 3 joueurs, avec un mécanisme plutôt pour « gamer », ce qui est plutôt rare pour un As d’Or, censé être joué dans des configurations plus ouvertes.) « Oriflamme » est également desservi par une édition un peu approximative : boîte en carton avec une glissière coulissante mal ajustée, jetons aux couleurs non homogènes, et même choix de noms assez étonnants, comme L’Espion… dont le pouvoir est de voler, ce qui n’est pas des plus intuitifs.
(3,4 / 5)« Oriflamme« , de Adrien & Axel Hesling (Studio H)
De 3 à 5 joueurs à partir de 10 ans
Durée : environ 20 min
15 €